Le spécialiste en productions animales, Dr Ibrahima Thiam, qui est également expert au Bureau sous-régional de la FAO pour l’Afrique de l’Ouest, recommande un investissement soutenu dans le secteur de l’élevage. Selon lui, développer la culture fourragère en maîtrisant l’eau et améliorer la génétique des races pourrait booster significativement la production laitière nationale. Cette approche limiterait les importants volumes d’importations de produits laitiers auxquels le pays a recours. En effet, selon des données de la FAO, le Sénégal a importé en 2023 plus de 24.856,1 tonnes de lait et produits laitiers, représentant une dépense de 76.881.000 millions de dollars américains.
Parmi les raisons expliquant que le Sénégal ne soit pas autosuffisant en lait, Dr Thiam pointe d’abord la qualité génétique insuffisante des races bovines locales, telles que les zébus Gobra, les Ndamas et les Djakoré. Ces races ont une productivité lactée très limitée, atteignant à peine 1 litre par jour sur une période de lactation de 7 à 8 mois, un chiffre nettement inférieur aux races occidentales comme la Holstein, qui peuvent produire de 30 à 40 litres de lait quotidiens.
La qualité limitée des pâturages est également mise en avant. En dehors de la saison des pluies, les herbages perdent leur valeur nutritive, ce qui affecte la production. De plus, les animaux doivent parcourir de longues distances du Nord au Sud pour accéder à de meilleures pâtures, ce qui entraîne une dépense d’énergie, une perte de poids, et, par conséquent, une faible production laitière.
Dr Thiam, s’exprimant selon un article publié par Sud Quotidien, évoque également les contraintes sanitaires et la gestion de l’espace comme des facteurs limitatifs. À cela s’ajoute le rôle des organisations professionnelles d’élevage qui, selon lui, manquent des moyens nécessaires pour aider les éleveurs à obtenir les financements indispensables pour le développement de la filière laitière.
Le spécialiste souligne l’absence de subventions pour soutenir la filière, contrairement aux pratiques en vigueur dans les pays développés où toute la chaîne de valeur bénéficie de soutiens financiers. Au Sénégal, les importations bénéficient d’une taxation préférentielle qui concurrence directement la production locale.
Pour remédier à ces problèmes, il prône la mise en place d’une politique laitière à long terme, s’étalant sur 20 à 25 ans, pour atteindre l’autosuffisance. Inspiré par le modèle tunisien, Dr Thiam suggère d’améliorer la génétique via la création d’un Centre national d’amélioration génétique et d’étendre les services d’insémination artificielle à l’échelle nationale. La production de fourrage toute l’année est aussi considérée cruciale pour renforcer la souveraineté alimentaire en matière de lait.
Cette analyse menée par le Dr Ibrahima Thiam nous incite à reconsidérer les stratégies nationales. Selon Sud Quotidien, investir dans une chaîne de valeur nationale et durable pourrait transformer l’ensemble du secteur laitier sénégalais pour lui permettre d’atteindre les objectifs d’autosuffisance espérés.