Sur 1600 cartes de presse distribuées, 300 radios, 45 quotidiens, 325 sites d’informations en ligne, seuls le groupe Walfadjri et deux (2) journalistes sont sous le coup de sanctions pour violation des règles éthiques et déontologiques.
A chacun de juger !
Il est consacré au Sénégal, la liberté d’expression en vertu des dispositions pertinentes de l’article 10 de la Constitution qui permet à chacun d’exprimer et de diffuser librement ses opinions par la parole, la plume, l’image. Cette liberté fondamentale est également consacrée par les instruments internationaux ratifiés par notre pays à savoir le Pacte des Droits civils et politiques de 1966, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1945, la Charte Africaine des Droits de l’Homme etc...
Cet arsenal juridique de protection est le marqueur d’une pratique démocratique sénégalaise ancrée depuis plusieurs dizaines d’années, dont la traduction la plus élémentaire est l’annonce instantanée par les médias des résultats de chaque bureau de vote au moment où le peuple se détermine sur le choix de ses élus.
Toutefois la liberté de la presse, corollaire de la liberté d’expression, n’est pas un droit absolu.
Il s’agit d’une liberté encadrée et limitée lorsqu’elle se heurte aux impératifs liés à la préservation de l’ordre public et au respect de la vie privée. Ce principe limitatif, transposé dans notre droit positif, a inspiré la loi n°2017-27 du 13 juillet 2017 portant Code de la Presse qui dispose clairement en son article 57 que « les entreprises de presse et de la communication audiovisuelle doivent respecter la vie privée et les bonnes mœurs ; Elles doivent aussi respecter l’ordre public en veillant notamment à ne pas diffuser des programmes ou messages de nature à inciter à la violence ou à la haine ».
Une déclinaison de cette limitation est retrouvée dans les Conventions et le cahier des charges qui lient l’Etat aux groupes de presse, dont le rappel de certains principes est pédagogique, notamment :
Le journaliste intervenant dans les émissions d’information ne doit pas faire valoir des idées partisanes ;
Le journaliste doit faire une présentation honnête, impartiale et objective des questions et sujets traités ;
La chaîne de télévision ne doit être utilisée à des fins de propagande pour vendre l’image de son promoteur ou mettre en avant ses intérêts ;
Dans la couverture d’un événement, le journaliste doit s’atteler, notamment par la modération et la mesure du ton, à ce que sa communication révèle un caractère strictement informatif ;
Le journaliste doit veiller à ce que son émission comportant des séquences susceptibles de heurter le jeune public et les personnes sensibles soient précédée d’un avertissement verbal ou écrit approprié ;
De bonne foi, le journaliste doit informer le public de toute évolution concernant des faits ou des événements communiqués auparavant et de nature à en changer la portée et l’appréciation par le public ;
Le journaliste doit préserver la dignité, l’image et la réputation de la personne humaine ;
Lorsqu’une procédure judiciaire en cours est évoquée à l’antenne, le journaliste doit veiller à ce que l’affaire soit traitée avec neutralité, rigueur et honnêteté et le pluralisme assuré par la présentation des différentes thèses en présence, en veillant notamment, à ce que les parties en cause soient mises en mesure de faire connaitre leur point de vue.
Enfin, le journaliste doit éviter la banalisation ou l’exagération dans l’évocation de la souffrance humaine ainsi que tout traitement avilissant ou rabaissant envers l’individu.
La couverture médiatique par le groupe Walfadjri des tensions notées le 1er juin 2023 à Dakar et à Ziguinchor a été entreprise en violation des dispositions du Code de la Presse, du Cahier de charges et de la Convention d’Exploitation de la chaîne. Pour rappel, pour des faits similaires, la diffusion des programmes du groupe Walfadjri avait été suspendue pour soixante-douze (72) heures le 04 Mars 2021 et pour sept (7) jours le 10 février 2023.
Aujourd’hui encore, le groupe Walfadjri est frappé d’une suspension de trente (30) jours pour les mêmes faits. A titre illustratif, il ressort d’un reportage de leur correspondant à Ziguinchor le 1er juin 2023 que « l’armée est déployée dans les rues de Ziguinchor pour tirer sur des manifestants » !
La nécessité de sauvegarder l’ordre public, la sécurité nationale et l’intégrité du territoire, justifie, conformément à la loi, la prise de
mesures conservatoires pour rétablir la paix publique.
Ces mêmes principes directeurs s’imposent également à la presse étrangère.
Enfin, pour la presse en ligne, l’éditeur et l’administrateur doivent avoir la maîtrise éditoriale du contenu publié dans leurs sites et réseaux sociaux. D’ailleurs sur les espaces de contribution personnelle des internautes, l’éditeur de presse en ligne met en œuvre un dispositif approprié de modération conformément à l’article 179 du Code de la presse.
Dans le même sillage, les opérateurs de télécommunication ont l’obligation de respecter l’article 12-1-1 de leur cahier des charges qui stipule que « le concessionnaire est tenu de prendre toutes les mesures pour se conformer aux prescriptions exigées par la défense nationale, la sécurité et la sûreté publiques ».
De ce chef, les restrictions graduelles opérées sur l’internet des données mobiles pour quelques heures répondent à un impératif de sauvegarde de l’ordre public, si l’on sait que les communications électroniques ont été des canaux de transmission de messages haineux et subversifs.
En tout état de cause, notre pays mérite une presse responsable car, comme l’écrivait Albert Camus dans son éditorial « combat » du 1er septembre 1944 « un pays vaut souvent ce que vaut sa presse : l’énergie plutôt que la haine, la pure objectivité et non la rhétorique, l’humanité et non la médiocrité » ;
Avec Dakaractu
Me Moussa Bocar THIAM
Ministre de la Communication, des Télécommunications et de l’Economie numérique